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l'art de la teinture


Les teinturiers au Moyen Âge

Auteurs Dominique Casanovas, artisan textile en archéologie expérinentale. Diplomée en Histoire de l'art et Techniques de décoration textile, Et Terry Mougenot, association la Mesnie des Délices et de la moryah. Tous deux membres de TeRAME (Textile Researches in Archeology and Miscellaneous Experiment)

Période XIIIe-XVe s. Mis en œuvre par des artisans spécialisés, l’art de la teinture, dont les procédés peuvent être approchés via les sources textuelles et iconographiques, entraînait bien des tensions, du fait des enjeux importants qu’il présentait.

« Ogni erbaccia fa tinta » (la première herbe venue teint) disaient en plaisantant les professionnels de la teinture florentine du XIVe siècle. Flavonoïdes et leurs molécules apparentées, les tanins, sont les substances tinctoriales les plus répandues du monde végétal. Mais dans ce foisonnement, l’Homme a sélectionné un nombre restreint de plantes combinant beauté/vivacité/intensité/solidité. Il a su aussi extraire des couleurs « non apparentes », tels que les rouges des rubiacées, élaborer, dès la Préhistoire, les méthodes complexes d’obtention de l’indigotine, seule source des bleus, et utiliser les mordants et combinaisons modifiant les molécules de base et donc les couleurs. Outre les végétaux, parmi lesquels il faut inclure les champignons et lichens, certains coquillages et insectes ont été les seules sources de teintures textiles, et ce jusque à l’apparition des teintures chimiques au XIXe siècle.

En usage domestique, la finition et la teinture des tissus ne demandent pas d’outillage très spécialisé. Cette production à des fins privées a persisté pendant très longtemps et jusqu’au début du XXe dans certains coins reculés d’Europe. En revanche, la production artisanale, voire plus industrielle, apparue au Moyen Âge, exigeait des installations de dimensions importantes liées, entre autres, à un approvisionnement en eau propre et à des possibilités d’évacuations des eaux usées.

Un secteur stratégique Au départ domanial, l'art de la teinture prend son essor en même temps que l'industrie textile et le développement des villes. Au XIIIe siècle, le dynamisme textile devient un important moteur économique en Europe. Il favorise le développement de la teinture locale, mais aussi les enjeux du commerce des tissus et de l’alun, l’un des principaux produits de mordançage employés pour les teintures. Assez tôt des spécialisations apparaissent, que ce soit dans les procédés mis en œuvre (teintures à chaud ou à froid) ou dans les matières à traiter : laine, lin, soie, coton.

On en trouve des traces dans des actes notariés comme par exemple, ceux de Marseille, du XIIIème, : « drap de Douai, soierie ouvrées des Cévennes, en drap vert de Chalons, drap gris de Provins, chanvre blanc et estanfort anglais noir, drap rouge d’Ypres, 2 pièces de drap noir de Saint-Quintin, soie cuite, or filé de Lucques » …

Dans certaines villes les teinturiers se regroupent en corporations; dans d’autres ils dépendent de la corporation des tisserands. Les tisserands drapiers s’arrogent parfois le droit d’exercer personnellement le métier de teinturiers, ce qui ne manque pas de créer des conflits. Au XIVe siècle, en Italie, le savoir-faire, la maîtrise des teintures, la cherté des produits tinctoriaux (de luxe à très grand luxe) et l’application à des textiles de grand prix font classer les guildes de teinturiers parmi les « Arte majore ».

Les règlements de métier On trouve peu de traces de l’organisation des corporations et des statuts des ateliers de toiliers, drapiers, tisserands et teinturiers avant le XIIIe siècle, perdues ou détruites par manque d’intérêt, voire récupération du parchemin à d’autres fins. Cependant quelques règles de métiers nous sont parvenues, sans qu’on puisse cependant en tirer des conclusions générales à l’ensemble du Moyen Âge et de l’Europe. En 1244, à Chalons-en Champagne (sur Marne ?), il est interdit de teindre en vert, marron, bleu et camelin les draps de laine. En 1292, à Reims, on enregistre le nom des maîtres établis auxquels on fait « défense de faire des draps tainctz par eschevettes » (ce procédé consiste à placer des écheveaux de laine sur les gouttières d’évacuation des cuves de teintures). La charte de 1340 de l'archevêque Jean de Vienne, pour cette même ville de Reims, règle la fabrication des différents draps et l’emploi des teintures autorisées : « le feul, le fustel, la glaiolure, le bolocier et le noir de moulée – traduire - sont des teintes de moindre valeur ; il est interdit de les mélanger à la guède, la brunette, les teintures de rouges ou jaunes. ».

Dans les réglementations des guildes de teinturier, on ne peut en aucun cas faire de « généralisation » : ces règles sont propres à chaque ville et évoluent au fil des siècles. Elles sont principalement des garanties de « label de qualité » (et un protectionnisme par rapport à la production de la guilde)

Traduction du vocabulaire : fustel Bois de fustel, petit bois qui se tire de Provence,qui produit un jaune, Feul : sorte d’orseille (lichen) teinte violette interdite a paris, Glaiolure : teinture au glaïeul interdite a provins noir ? Bolocier : prunellier écorce traité au sels de fer donne du noir Noir de moulée : mélange d’écorce d’aune, de poussière de meule et de limaille de fer interdit a paris )

De l’usage des tanins On appelle tanins des substances d’origine végétale, astringentes au goût et au toucher. Leur utilisation pour le tannage des peaux et pour la teinture remonte à la Préhistoire. On en trouve en quantité importante dans les arbres en général (le chêne, le châtaigner, l’aulne, par exemple), les rosacées, les éricacées, les sterculiacées, les légumineuses, aussi bien dans les écorces que dans les racines, les feuilles et le fruit. Deux réactions chimiques spécifiques sont utilisées à des fins tinctoriales : au contact de sels de fer, les tanins colorent en gris et en noir ; dans un bain faiblement basique, ils donnent des rouges-bruns. Toutes les teintures aux tanins ont un point commun : leur grande solidité au lavage et à la lumière. plantes tinctoriales (pastel et caille-lait jaune : gaillet : herbe très commune dont : Gallium verum (caille-lait jaune), Galium mollugo (caille-lait blanc), Galium aparine (gaillet gratteron) : point commun : la racine teint en rouge, mais moins « concentré » que la garance. Par contre cette herbe, très commune, était accessible aux paysans et au moins nanti.

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La gaude, le pastel, l’indigo, la garance et le bois de brésil sont attestés en France au XIIIe siècle. En 1248 des actes notariés sont passés par la famille de marchands Manduel de Marseille pour une commande d’un quintal d’indigo de Bagdad pour Barcelone ; une lettre de voiture de 12 grosses charges de bois de brésil, 11 de poivre et 17 de gingembre à transporter aux foires de Provins ; une autre lettre de voiture de 70 charges d’alun d’Alep et de gingembre de Saint-Gilles pour les foires de Troyes et Provins ; une autre commande en 7quintaux de kermès pour les foires de Provins.

Ces exemples montrent que, dans chaque ville, les guildes sont soumises à des règles strictes garantissant des labels de qualité des produits et des teintures en fonction de leur coût, du savoir-faire et du support teint (qualité du tissu, matière textile…). Les savoir-faire locaux, la qualité de l'eau, l'approvisionnement en matières tinctoriales et leurs qualités feront que chaque ville aura une ou des spécificités à la fois dans la qualité du textile et, surtout, dans ses « couleurs », au point que les comptes de dépense se bornent souvent à noter l'achat de drap suivant sa provenance sans en désigner sa couleur.

Les conflits entre corporations Au sein même des guildes de teinturiers, des rivalités apparaissent, tant sur le monopole des savoir-faire (teintures à froid ou à chaud) que sur les qualités de teinture, à « petit teint » ou à « grand teint », mais aussi suivant les modes (en accélération à la fin du Moyen Âge) ou par souci de protectionnisme local face à des productions ou importations de pigments tinctoriaux, par exemple. Les guildes ont également dû adapter leurs règlements en fonction des évolutions du marché. Si certaines plantes ont été cultivées à grande échelle (garance, pastel, graine d'Avignon...), d'autres, plus dépendantes de leur écosystème naturel, se sont raréfiées. La cochenille polonaise, encore fréquente en Rhénanie au VIIe siècle, nord de la France, Reims, Condé en Brie, recule vers les frontières polonaises. On sait qu’encore au VIIème et début VIIIème, les monastères font payer la dîme en « cochenilles » que les paysans devaient donc aller récolter. Elle reste toujours en usage pendant tout le Moyen-âge et fait la fortune des seigneuries de l’est de l’Allemagne (Brunwick, Meclembourg, Brandebourg, Poméranie, Silésie, Prusse, ….Le sud de la France et l’Espagne sont de grosses productrices du kermès (aussi une cochenille) et, par exemple à Béziers, le traitement de la cochenille est aux mains héréditaires et exclusives que de certaines familles. On ajoute la cochenille arménienne et celle venue (déjà surtout après les croisades et les Yuan) d’Asie. En Méditerranée, la disparition du murex purpuralis, amena le pape Paul II à promulguer en 1464 un décret remplaçant la pourpre cardinalice par l'écarlate tirée du kermès, lequel deviendra progressivement aussi rare et très coûteux suite à sa surexploitation. La découverte des Amériques et de la cochenille mexicaine, plus facilement « cultivable »

Les différents modes de teinture Si elle donne de bons résultats, la teinture à froid, plus connue sous le nom de « teinture par fermentation », est souvent difficile à maîtriser. Les spécialistes pensent qu'il s'agit de la forme la plus ancienne de teinture ; elle aurait été développée dans la zone du Moyen-Orient, où le climat permet une telle application (température moyenne assez haute pour entraîner une fermentation). Les pays du nord européen ont, quant à eux, développé l'art de la teinture de bouillon (par ébullition), même si certaines sources suggèrent l'utilisation de teintures par fermentation assez tôt (utilisation des lichens à orseille chez les Gaulois, possibilité de faire fermenter des bains près du feu...). La température des bains ne dépassant pas les 50°C, les chaudrons pouvaient être remplacés par des cuves en bois ou des jarres en céramiques. Les méthodes d’extraction par fermentation des colorants insolubles dans l’eau à l’origine permettaient de fixer ces dits colorants sur les fibres : est-ce à dire que les textiles étaient plongés dans l’eau des bains en même temps que les matières tinctoriales ? Non : le fait que les colorants de base soient « non solubles » dans l’eau oblige à procéder à l’opération d’extraction pour le rendre soluble => on plonge les fibres après. ; De couleur verdâtre au sortir du bain, les textiles prenaient sous l’effet de l’oxygène de l’air une teinte indigo ou pourpre.

Nota : quels sont les matières utilisées pour les teintures à froid ? Les « bleus » des plantes à indigo : c’est indispensable ! La plupart des plantes peuvent être en « cuve à froid » : la liste est trop longue. Dans tous les cas, on préconise de d’abord « extraire » les pigments, d’enlever les plantes, puis de teindre. Si on laisse les plantes avec les fibres, on risque une teinture moins « uniforme ».

Pour ce qui est de la teinture à chaud, l’obtention de l’agent teintant varie : les branches, écorces et racines doivent tremper avant cuisson ; les fleurs, feuilles et fruits ne nécessitent pas de préparation mais doivent être utilisés très rapidement après cueillette. L'oxydation par le sulfate de cuivre ou sulfate de fer peut être utilisée pour obtenir une autre teinte. Les subtilités de ces deux techniques différentes et le raffinement des savoir-faire ont amené à une spécialisation au sein des guildes de teinturiers connues respectivement sous le nom de « guildes de rouge » et « guildes de bleu ».

La teinture en toison concernait surtout la laine et les poils d’animaux. Multipliant les surfaces de contact entre les fibres, le mordant et les colorants, elle donnait des couleurs plus saturées et unies. Le cardage et le peignage qui intervenaient ensuite assuraient le mélange des fibres colorées et diminuait ainsi les différences de nuances exemple : carder des fibres teintes en bleu et des fibres teintes en rouge ensemble pour imiter la pourpre (attesté par des fouilles archéologiques : fouilles en Grande – Bretagne de + 450 à 700, par ex.). Certaines guildes pratiquaient des mélanges de laine teintes en toison en 2 ou 3 tons pour créer des effets de couleurs. Le mélange par cardage de plusieurs teintes de laine sont attestés au Moyen âge : les « mostavolieri » (de Montivilliers, en Normandie), mais aussi dans les tarifs des teinturiers florentins de 1334 à 1505, ainsi que dans toutes les grandes régions européennes de draperie.

La teinture en fils nécessitait la mise en écheveaux, qui étaient juxtaposés sur des baguettes posées en travers des cuves de teinture. Il fallait les tourner régulièrement pour obtenir un mordançage puis une teinture uniforme. Cela fragilisait les fils mais permettait de jouer sur les fils teints de couleurs différentes et d’obtenir ainsi des effets de rayures et de carreaux. On pouvait créer d’autres effets en entourant de liens très serrés des sections de fils issus d’un bain précèdent. Cette technique, l'ikat, a été plus développée en Orient, mais on la retrouve chez les Coptes et elle était employée au Moyen Age pour obtenir des tissus flammés, de grands prix.

De l’effet du mordançage Pour fixer les teintures, on insérait dans les bains de teintures des substances telles que tartre, alun, vinaigre, urine, chaux, etc.) aidant la matière colorante à pénétrer dans les fibres du tissu. Des colorants comme la garance (tons rouges) et la gaude (tons jaunes) nécessitaient un fort mordançage pour que les couleurs obtenues soient belles. En revanche, des colorants comme la guède, l'indigo (tons bleus, mais aussi verts, gris et noirs), le brou de noix ne nécessitaient qu'un mordançage léger, et pouvaient même s'en passer. La teinture en pièce, plus industrielle, requérait de grands récipients pour déployer les pièces de tissus et pouvoir les tourner dans les bains de mordançage et de teinture. Elle fut très pratiquée en Europe car économisant beaucoup de mordant et de colorant tout en conférant une teinte uniforme sur les deux faces sans empêcher le décor par réserve.

Couleurs grands teints… On différencie, dès le Moyen Age, les couleurs dites fines des couleurs « passées ». Les premières sont « saturées » tant dans la concentration des produits tinctoriaux que dans le nombre de bains de teintures ; elles requièrent l’adjonction d'alun qui leur permet de résister à l’usure du temps. Ces couleurs se retrouvent chez les riches, les puissants. Les couleurs « fausses » (c’est-à-dire qui « passent ») sont peu saturées, ternes, peu résistantes, ce qui, pour autant, ne veut pas dire « fades » ; elles sont utilisées par le commun tout aussi avide de couleurs.

L'évolution du savoir-faire des teinturiers a entraîné, au cours du Moyen Age, celui du « succès » de certaines couleurs. Si les bleus sont pendants le haut Moyen Âge des couleurs « communes », la maîtrise de la chimie de l'indigotine va les propulser dans les couleurs « saturées » donc chères à partir de mi XIIIème, ou l’ont voit apparaître, en tout cas à Paris, une réglementation concernant les « teinturiers en bleu », suite à leur succès. La teinture en bleu, comme les teintures « à petit prix » en général, n’émargeait pas aux guildes. Le succès (suite à la maîtrise technique) a entraîné des rivalités vis à vis des « guildes grand teint » (ou teinture « rentables ») qui ont voulu interdire que n’importe qui puisse prendre une part du marché. Sous St Louis, on a coupé la poire en deux…ce qui a fait la « guilde de rouge » et la « guilde de bleu ». Quasi toutes les couleurs figuraient néanmoins dans la « palette médiévale » des textiles. Les comptes de Blanche de Castille et de Saint Louis montrent un penchant certain pour le vert. Ceux de Mahaut d'Artois avouent sa préférence pour le rose. Les jaunes étaient loin d'être absents, qu’ils aient été employés « seuls » ou, par bains de teintures successifs, pour amener à la nuance désirée des verts, des oranges, des couleurs incarnats, qui sont des variantes de tons bruns.

Cette maîtrise subtile des couleurs – au départ des produits naturels, donc soumis aux conditions climatiques et de sol – fut poussée au point que les teinturiers du Moyen Âge furent capables de reproduire, à chaque opération de teinture, exactement le ton et la nuance exigée. Cela faisait l’élément essentiel du passage de maîtrise. C’est plus « tardif » mais un tableau des chefs de guilde à Leyde (1675) présente les commanditaires, avec les « échantillons » de bain de bleu et un « carré de tissu de comparaison » devant être identique aux échantillons….

Bien entendu, il y eut des imitations, de plus en plus au fil de l'évolution des enjeux : imitation de la pourpre (par trempage de teintures ou par mélange de fibres teintes), « falsifications » des rouges (connues par des actes judiciaires), etc. Certaines teintures étaient tellement coûteuses que leur prix dépassait celui du tissu de la meilleure qualité. S’il désigne pour nous une couleur, au Moyen Âge, l’écarlate ou scaerlaken (drap tondu), est synonyme de la catégorie de draps de laine les plus fins et les plus précieux en raison de leurs apprêts successifs et de la laine utilisée, celle du Cotswold (voir Histoire et Images médiévales 22) : on trouve des écarlates blanc, noir, gris, rayé, marbré, rouge, brun, sanguine, rose... Ces couleurs et ces tissus deviennent, vers la fin du Moyen Âge, des « marqueurs sociaux » au point que se multiplient les lois somptuaires réglementant le port réservé à certaines catégories sociales à l'exclusion farouche d'autres et assorties de confiscations et/ou d'amendes lourdes (voir l’article sur « Le paraître à Paris », paru dans Histoire et images médiévales 24). La répétition de ces lois tend à prouver qu'elles furent suivies au départ de façon relative mais, vers la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, elles amènent une modification de la « palette » des couleurs portées : préciser quelles couleurs sont alors préférées. Pastoureau, dans « Le bleu, histoire d’une couleur » en a fait une très bonne analyse. Cela se renforce en outre par les « cadres » mis en place par l’Eglise et le pouvoir politique pour ranger chaque personne dans un cloisonnement étanche de « sa classe » avec le vêtement comme « marqueur », donc sa couleur aussi. Bourgeoisie et grosse bourgeoisie file vers les bleus, gris et pas mal de noir (le noir devenant celle de la Réforme). La teinture, opération chimique à résultat visible, était interprétée au Moyen Âge comme une transformation de la matière, changeant l’ordre des choses et donc suspecte aux yeux des clercs. Le mot « infectur » apparu dès la fin du XIIe siècle, désigne à la fois la teinture, l’ordure et l’infection. On peut sans exagération estimer que ce sont plus les procédés de teinture que la couleur elle-même qui sont « infectur » : au même titre que les foulons et les tanneurs, les teinturiers étaient une source de pollution aquatique et olfactive non négligeable (du fait de la fermentation des teintures notamment dans l'urine et des mordançages), au point que certains règlements ordonnent l’obligation d’implantation des teinturiers dans certains quartiers spécifiques, si pas, dans certains cas, hors de la ville.

Bibliographie • Cardon Dominique, Le monde des teintures naturelles, 586p.; ill.; éditions Belin- Paris, 2003 • Cardon Dominique, Le guide des teintures naturelles: plantes, lichens, champignons, mollusques et insectes, 400p.: ill.; Delachaux et Niestlé – Lausanne, 1990 • Pastoureau Michel, Bleu: histoire d'une couleur, 220p.; Coll. Point Histoire n° H362; Editions du Seuil- Paris, 2006 • Archéologie des textiles des origines au Vème siècle, Actes du Colloque de Lattes, oct 1999 • Crowfoot Elisabeth, Pritchard Frances et Staniland Kay, Textiles and clothing 1150-1450; 223p,; ill,; Boydell- Londres, 2001 • Medieval clothing and textiles, 1, 2, 3, 4; Ed. Robin Netterton and Gale R.Owen-Crocker • Ostergard Else, Woven into the earth: textiles from norse Greenland; 296p,; ill,; Aarhus University Press- Danemark, 2004 • Walton Rogers Penelope, Cloth and clothing in early anglo-saxon England: AD 450-700, 289p,; ill,; Council of british archeology- York, 2007 • Favier Jean, De l'or et des épices: naissance de l'homme d'affaire au Moyen Âge, 481p.: ill.; Librairie Fayard – Paris, 1987 • Boulnois Luce, La route de la soie: dieux, guerriers et marchands; 558p,; Editions Olizarine – Genève, 2001 • C.I.F. (classement du fonctionnement humain), OMS, 2005

La préparation de la laine La laine brute, naturellement chargée de graisse (le suint) dans une proportion allant de 5 à 50 % et contenant des impuretés, doit dans un premier temps être lavée. Il faut pour cela laisser tremper délicatement la laine dans une eau courante (ruisseau) puis la mettre à tremper dans une eau à 40-50° C additionnée d’un produit lavant (savon, poudre de saponaire…), en prenant soin d’agiter doucement la laine pour éviter le feutrage. Il faut ensuite rincer dans une eau a 30° C, puis recommencer l’opération jusqu'à obtention d’une eau claire.

La laine peut être cardée avant la teinte, ce qui élimine le reste d’impuretés et l’aère. Utiliser pour cela des cardères ou des peignes à carde (voir l’article sur la fabrication du drap de Leyde paru dans Histoire et images Médiévales 22, p. 29). L’apprêt Il faut ensuite mordancer la laine pour permettre une meilleur prise de la teinture, une solidité de la couleur à la lumière et au lavage – sachant que le garance a un fort pouvoir de teinture cette opération n’est cependant pas indispensable. On utilise l’alun (sulfate de potassium) à raison de 10 % du poids du tissu. Pour obtenir une meilleure dissolution du produit dans un peu d’eau, on réduit en poudre le bloc d’alun avec un pilon, puis on verse cette solution dans un chaudron en cuivre que l’on remplit suffisamment d’eau pour que la laine baigne entièrement. On y incorpore la solution de mordant (l’alun), puis on immerge délicatement la laine dans l’eau frémissante. Remuer doucement. Laisser frémir pendant une heure, puis refroidir hors du feu pendant une nuit. Rincer alors la laine et l’utiliser de suite ou la laisser sécher pour l’utiliser ultérieurement.

La teinture à chaud La plante utilisée pour la teinture est la garance cultivée (Rubia tinctorum L.), dont on utilise la racine, de préférence séchée. La racine est tout d’abord débarrassée de son enveloppe extérieure, puis finement broyée. Pour procéder à la teinture à chaud, il faut le même poids de poudre que de laine. Placer la poudre de racine dans le chaudron, verser de l’eau bouillante pour couvrir la poudre. Porter au point de frémissement puis laisser frémir au moins une heure, ajouter de l’eau au fur et à mesure pour maintenir le niveau. Pour une teinte claire ne pas dépasser les 60° C (sinon jusqu’à quelle température peut-on aller ?). Retirer le chaudron du feu et laisser encore infuser pendant une heure. Puis filtrer. Ajouter progressivement au liquide filtré la laine mordancée. Compléter en eau pour couvrir la laine (compter 3 litres d’eai pour 100 g de laine). Remuer doucement de temps en temps. Porter au point de frémissement. Laisser frémir pendant une heure puis retirer du feu et laisser refroidir jusqu'à obtention de la couleur désirée (plus la laine reste dans le bain, plus elle prend une couleur rouge foncée. Une fois la teinte obtenue, retirer la laine et la rincer avec une eau portée à même température (pour éviter le feutrage). Essorer la laine et la mettre à sécher.

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